La Riviera en couleurs : les artistes et la Côte d’Azur

De Monet à Picasso, de Cocteau à Klein, jusqu’au street art contemporain, la Côte d’Azur inspire depuis plus d’un siècle les plus grands artistes. Lumière, nature, architecture : tout ici invite à créer. Panorama d’un territoire où l’art se vit en musées, en fondations, et à ciel ouvert.

Un paradis de lumière

Dès la fin du XIXe siècle, les artistes descendent vers le sud, attirés par une lumière inédite, des couleurs franches, et la douceur du climat méditerranéen. Claude Monet, en 1888, peint Antibes et ses jeux d’eau, fasciné par les reflets argentés de la mer et la transparence de l’air. Pierre Bonnard s’installe au Cannet dans sa maison du Bosquet, où il capture, jusqu’à sa mort en 1947, l’intimité solaire des intérieurs méditerranéens. Aujourd’hui, le musée Bonnard, à deux pas de sa demeure, rend hommage à cette palette vibrante.

À quelques kilomètres, Auguste Renoir, séduit par les oliviers de l’arrière-pays niçois, choisit Cagnes-sur-Mer. Sa maison-atelier des Collettes est devenue un musée vivant, suspendu entre nature et création. Henri Matisse, lui, arrive à Nice en 1917, bouleversé par la lumière. Il s’installe au Regina, et compose alors de lumineux intérieurs, traversés de motifs décoratifs, où les couleurs vives dialoguent avec la lumière méditerranéenne. Il conçoit également à Vence la chapelle du Rosaire, manifeste d’art sacré moderne. Son lien avec Nice est tel qu’un musée lui est dédié à Cimiez, dans une villa génoise entourée de jardins, permettant de retracer tout le cheminement du maître fauve. « Quand j’ai compris que chaque matin je reverrai cette lumière, je ne pouvais croire à mon bonheur. Je décidai de ne pas quitter Nice, et j’y ai demeuré pratiquement toute mon existence », écrira-t-il.

Pablo Picasso, installé à Vallauris après la guerre, révolutionne la céramique, y peint La Guerre et la Paix, et installe ensuite son atelier au château Grimaldi d’Antibes, aujourd’hui musée Picasso. Marc Chagall, quant à lui, offre à Nice un musée dédié à son œuvre biblique, fusion de rêve et de foi, dans un bâtiment baigné de lumière.

Henri Matisse, Mouvement de danse © Coll Lorquin

Un art qui s’inscrit dans le paysage


Sur la Côte d’Azur, l’art s’enracine littéralement dans les lieux. Jean Cocteau incarne cette fusion entre œuvre et décor. À Menton, il décore la salle des mariages de la mairie, puis transforme un bastion du XVIIe siècle en musée. À Villefranche-sur-Mer, il peint la chapelle Saint-Pierre, et à Saint-Jean-Cap-Ferrat, il orne de fresques mythologiques la Villa Santo Sospir. Lieu habité, sculpté, « tatoué », selon ses mots, par l’esprit méditerranéen.

À Saint-Paul-de-Vence, la Fondation Maeght condense cette fusion entre nature et création. Inaugurée en 1964 et récemment agrandie, elle rassemble une collection unique (Braque, Miró, Giacometti, Chagall, Bury, Calder...) dans un écrin architectural pensé par Josep Lluís Sert, où les sculptures s’intègrent aux pins parasols et à la pierre ocre dans une communion quasi organique. Le lien entre architecture, art et nature y est si profond qu’il semble jaillir de la terre elle-même, dans une sorte de symbiose puissante presque mystique.

Fondation Maeght © Sergio Grazia

Des musées et galeries pour tous les regards

À Nice, le MAMAC (Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain), inauguré en 1990, a, entre autres, été conçu pour valoriser l’héritage de l’École de Nice, courant artistique né dans les années 1960, rassemblant des artistes comme Ben, Arman, César, Yves Klein, Jean Mas, ou encore Niki de Saint Phalle, unis par la volonté de casser les codes de l’art traditionnel tout en restant liés à la Méditerranée.

À Nice, le musée international d’art naïf Anatole Jakovsky, la villa Masséna ou le musée des Beaux-Arts Jules Chéret complètent un parcours artistique dense. Sur les hauteurs de la ville, la Villa Arson réunit école d’art, centre d’art contemporain et résidences, dans une architecture brutaliste ouverte sur l’horizon.

Les galeries, elles, participent activement à ce bouillonnement artistique. À Nice, la galerie Eva Vautier, fondée par la fille de Ben, défend une scène contemporaine engagée et protéiforme. L’Espace à Vendre, dirigé par Bertrand Baraudou, est devenu un repère pour les artistes émergents et les formes les plus expérimentales de la création actuelle. Toujours à Nice, l’artiste Fred Allard a ouvert un espace à son nom où ses sculptures vitrines, inspirées du luxe, de la rue et de l’art pop, offrent une esthétique singulière, clin d’œil à la société contemporaine.

À Saint-Paul-de-Vence, près d’une vingtaine de galeries d’art jalonnent les ruelles du village, entre ateliers intimistes et espaces internationaux. Parmi elles, la galerie Catherine Issert se distingue par son ancrage historique dans l’abstraction et sa fidélité aux grands noms de l’art conceptuel.

À Monaco, le Nouveau Musée National de Monaco (NMNM) affirme une identité forte à travers ses deux sites, la Villa Paloma et la Villa Sauber, qui accueillent expositions, installations et projets d’art contemporain dans une volonté de dialogue entre patrimoine et création. Une programmation exigeante, ouverte sur le monde, qui mêle photographie, design, performance et vidéo, dans un écrin princier.

À Saint-Tropez et à Monaco, les galeries Bartoux présentent les grands noms de l’art contemporain international, entre sculptures spectaculaires et œuvres néo-pop. À Monaco toujours, Bel Air Fine Art bouscule les codes avec une sélection éclectique mêlant hyperréalisme, street art, œuvres numériques et créations insolites.

À Hyères, la villa Noailles –avant-gardiste et moderniste – est aujourd’hui un centre dynamique dédié à la photographie, la mode et le design. À Cannes, le centre d’art La Malmaison sur la Croisette accueille de grandes expositions temporaires. Mougins s’illustre avec son Centre de la photographie, et des lieux comme la Fondation Venet (Le Muy), la Fondation CAB (Saint-Paul-de-Vence), l’Espace de l’Art Concret (Mouans-Sartoux) ou encore la Fondation Carmignac à Porquerolles, enrichissent le paysage d’initiatives singulières.

Yves Klein, Vénus bleue (La Vénusd'Alexandrie) © Ville de Nice - Muriel Anssens © Succession Yves Klein coADAGP, Paris 2024

Le street art, une Riviera à ciel ouvert

La Côte d’Azur se vit aussi sur ses murs. Dès 1974, le niçois Ernest Pignon-Ernest, pionnier du street art, colle à Nice ses silhouettes noires, puissantes et politiques, esquissant les prémices d’un art urbain engagé. Depuis, la scène azuréenne s’est étoffée : de Grasse à Saint-Laurent-du-Var en passant par Le Cannet, Cannes ou Nice, les fresques monumentales et les collages poétiques jalonnent les villes comme une galerie à ciel ouvert. Mr One Teas, Brian Caddy, Ernesto Novo, ou Faben réinventent les murs de la Riviera et des parcours street art sont même proposés à Cannes ou à Grasse, où l’on découvre les œuvres au fil des rues comme des trésors urbains. Une nouvelle forme de dialogue entre art et territoire, populaire, vivant et résolument contemporain.

Un territoire en perpétuel dialogue avec l’art


Aujourd’hui encore, la Côte d’Azur demeure un foyer créatif. Des artistes confirmés ou émergents y prolongent l’héritage des maîtres tout en l’interprétant avec des formes nouvelles. Patrick Moya, infatigable explorateur du virtuel, mêle art numérique, installations immersives et avatars dans un univers aussi dense que singulier. Jérémy Taburchi, avec son Chat Rose, figure libre et solaire, célèbre une Méditerranée pop et ludique. Franck Saïssi compose des œuvres sensibles et fragmentées où la mémoire affleure entre figuration et abstraction. Laurence Jenkell, célèbre pour ses bonbons géants en plexiglas, s’est imposée sur la scène internationale avec une esthétique sucrée mais politique. Philippe Pasqua, dont les œuvres puissantes, crânes monumentaux ou papillons écorchés, s’exposent aussi bien à Monaco qu’à Saint-Paul-de-Vence, explore les thèmes de la mémoire et de la trace avec une intensité rare. La mémoire de Théo Tobiasse, figure majeure de la scène azuréenne du XXe siècle, continue de rayonner grâce au travail de sa fille, qui veille à faire vivre son œuvre empreinte de rêve, d’exil et de lumière. À leurs côtés, Robert Combas, chef de file de la figuration libre, ou encore Bernar Venet, sculpteur conceptuel, renforcent le prestige artistique de la région. D’autres comme Ugo Rondinone, Daniel Buren ou Manolo Valdés s’invitent régulièrement dans les institutions et galeries de la Riviera, inscrivant leur travail dans un dialogue fécond avec les paysages du Sud. La scène locale s’enrichit également d’artistes singuliers comme Stephane Bolongaro, sculpteur et performeur niçois, dont l’univers poétique et joyeusement décalé de son Totor insuffle un esprit libre et farouchement méditerranéen à la création contemporaine, sans oublier Virginie Broquet, ou SAB, avec sa chaine bleue.

La Villa Arson, à Nice, continue d’être un vivier d’artistes exigeants, porteurs d’une création contemporaine exigeante et conceptuelle. On y retrouve des figures majeures comme Katinka Bock, finaliste du Prix Marcel Duchamp, qui développe une œuvre sensible et sculpturale entre matière, temps et paysage. Eva Barto, lauréate de la Villa Médicis, interroge les rouages de l’économie et du pouvoir dans l’art avec une rigueur politique rare. Emmanuelle Lainé, saluée pour ses installations immersives et sa capacité à déstabiliser la perception, construit des environnements visuels d’une grande intensité.


Entre ciel et mer, art ancien et contemporain, la Riviera reste ce territoire rare où la beauté inspire, interroge et transcende.

Virginie Broquet - Nice Negresco, encre sur papier de Bambou, 90-95 cm, 2019 © DR

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Cover : Villa Arson © Côte d'Azur France Tourisme - Georges Veran

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