Figures de lumière : trois talents qui redessinent la Riviera

De Nice à Biot, une nouvelle génération d’artistes et de créateurs réinvente le geste, la matière et l’allure. Christopher Zucco sculpte la silhouette comme une architecture, Olivia Seitz réinscrit la perle dans un héritage familial réinventé, et Antoine Pierini fait du verre un souffle méditerranéen. Trois signatures, trois écritures contemporaines, un même territoire : la Côte d’Azur, creuset d’inspiration et de lumière.

Sur les rivages azuréens, la création s’exprime avec une intensité singulière, nourrie par la lumière, la Méditerranée et la liberté d’un territoire qui inspire depuis toujours artistes et artisans. Une nouvelle génération s’y affirme aujourd’hui, libre, instinctive, portée par un rapport intime au geste et à la matière. Ils ont grandi ici, entre mer et collines, ateliers, étoffes, pierres et paysages solaires. Chacun à sa manière raconte la Riviera : par la ligne, par l’éclat, la transparence.

Christopher Zucco, styliste niçois, imagine des silhouettes comme des architectures vivantes, mêlant photographie, construction textile et volumes maîtrisés. Olivia Seitz, héritière d’une lignée de négociants en perles, réinvente une joaillerie intime et contemporaine, façonnée à Nice et inspirée des couleurs de la Côte d’Azur. Antoine Pierini, maître-verrier, poursuit une histoire familiale de quatre générations et transforme le verre en matière poétique, traversée de mémoire, de souffle et de lumière.

Christopher Zucco, l’instinct des lignes

À vingt-cinq ans, Christopher Zucco s’impose comme l’un des jeunes créateurs les plus inspirants de la scène niçoise. Styliste, photographe, artisan du vêtement, il envisage la mode comme un terrain où l’image, la silhouette et la matière se répondent. Depuis son showroom-atelier du quartier Garibaldi, il accueille ses clientes dans une atmosphère confidentielle, pour imaginer avec elles des pièces uniques façonnées entièrement à la main.

Avant de se consacrer au vêtement, Christopher explore d’abord la photographie. Très jeune, il apprend à composer une image, à jouer avec les attitudes, la lumière, le cadrage. Lorsqu’il rejoint l’École de Condé à Nice, il découvre la scénographie, les volumes et la construction visuelle. Il comprend alors que son goût pour les lignes, les architectures et les perspectives peut s’exprimer à travers la mode. « Ce qui me plaît, c’est de créer un univers autour d’une silhouette », dit-il.

Cette approche nourrit un style immédiatement identifiable : des lignes nettes, des volumes étudiés, un relief subtil, une sobriété qui sert la silhouette plutôt qu’elle ne la domine. Christopher aime jouer avec les découpes, les détails de construction, les superpositions, un vocabulaire très visuel, nourri par son sens de l’espace. Les matières qu’il utilise proviennent souvent de deadstocks italiens ou de surplus de maisons de couture : double crêpe, viscose, laine vierge, tissus tailleur ou structures 3D. Chaque étoffe impose sa propre dynamique, et chaque pièce se construit lentement, avec la précision d’un artisan et l’instinct d’un directeur artistique.

Son rythme, lui aussi, reflète cette exigence : deux à trois collections par an, et un défilé annuel conçu comme un chapitre de son univers créatif, le prochain étant prévu pour le printemps 2026. Son travail a déjà séduit de nombreux jurys : participation à Catwalk Paris, distinctions répétées lors du concours SIM (Start in Mode), dont un prix du public qui a confirmé l’écho de sa signature.

Parallèlement, Christopher partage désormais son expertise au sein de l’école FAM, où il contribue à la création d’une formation dédiée au stylisme de plateau, reliant mode, image et narration visuelle.

Aujourd’hui, son ambition continue de se préciser : développer un univers plus large, affiner son identité et prolonger, collection après collection, cette recherche autour des lignes et de la silhouette. Ce qu’il souhaite révéler à travers ses créations reste inchangé : la force, l’assurance et la présence intérieure des femmes qu’il habille. Chez Christopher Zucco, chaque vêtement est une architecture. Une façon de sculpter l’allure, entre intuition, rigueur et poésie.

@zuccochristopher

Olivia Seitz, l’héritage réinventé

À Nice, Olivia Seitz porte aujourd’hui une histoire familiale qui remonte à près d’un siècle. Pourtant, rien ne la destinait immédiatement à rejoindre l’univers de la joaillerie. Docteure en pharmacie, elle mène plusieurs années une vie professionnelle éloignée des ateliers et des pierres précieuses. Jusqu’au moment où, fin 2021, un déclic s’impose. L’entreprise familiale s’apprête à changer de mains, et, avec elle, le risque de voir disparaître un savoir-faire transmit depuis quatre générations. Olivia comprend alors que, si personne ne reprend le flambeau, une page entière d’histoire niçoise pourrait se tourner définitivement. Elle décide alors de revenir à l’essentiel : la création, la transmission, et la perle comme langage.

Cette histoire débute en 1928, lorsque son arrière-grand-père Maurice Porchet, fonde à Nice un atelier spécialisé dans les perles de culture. À l’époque, les perles arrivent du Japon et commencent à séduire l’Europe. Maurice en fait son métier, puis son fils Jean lui succède. Passionné lui aussi, Jean parcourt le monde pour sélectionner les plus belles perles, qu’il revend ou transforme en bijoux. Sa femme Denise - celle dont le prénom et l’année de naissance inspireront plus tard le nom D1928 - apporte une élégance naturelle et une énergie créative qui marqueront durablement la famille.

Dans les années 1990, la génération suivante prend la relève : Christine, la mère d’Olivia, et ses frères développent l’entreprise et l’ouvrent à l’international. Le bureau devient un lieu de vie où trois enfants grandissent parmi les valises de perles, les calibrages, les voyages, les salons professionnels et les récits de leurs aînés. Olivia a toujours aimé cet univers, tout en se tenant à distance : elle se construit d’abord une autre carrière, persuadée qu’elle trouvera son chemin ailleurs. Mais lorsque la vente de la société se dessine, une évidence la rattrape. Il reste à Nice un atelier, un stock rare de perles constitué au fil de décennies, et un savoir-faire acquis par les femmes de sa famille. Surtout, il reste sa grand-mère Denise, présente chaque jour, silhouette discrète, mais essentielle, symbole d’une transmission vivante. Olivia décide alors non seulement de protéger cet héritage, mais de lui offrir une nouvelle respiration. Elle crée D1928, une maison pensée comme un pont entre la tradition et la création contemporaine.

Dans son nouvel atelier niçois, chaque bijou est façonné à la main. Olivia imagine un style qui lui ressemble : épuré, lumineux, architectural. Sa signature se lit dans un cerclage d’or ou de pierres qui semble glisser au-dessus de la perle. Ce geste, à la fois graphique et délicat, donne une verticalité nouvelle au bijou. Ses collections racontent la Côte d’Azur : Baie des Anges et ses cinq lieux emblématiques, Coco Beach et ses rondeurs joyeuses, La Vague inspirée du mouvement de l’eau, Riviera avec ses couleurs solaires, La Pinède et ses verts profonds. Les teintes qu’elle choisit - bleu azur, vert malachite, lapis profond, turquoise éclatante, or chaleureux - sont celles de son quotidien entre mer et collines. Les perles de culture rencontrent des pierres dures taillées avec précision, apportant un rythme dynamique à des pièces fines ou plus sculpturales. Certaines collections s’ouvrent même désormais aux hommes, prolongeant l’envie d’une joaillerie vivante et multiple.

Aujourd’hui, D1928 poursuit son développement. Olivia prépare un showroom à Nice, un espace intime où présenter ses créations et mettre en lumière un savoir-faire transmis de génération en génération. Son histoire personnelle rejoint ainsi celle de sa lignée : un héritage qu’elle n’a pas seulement choisi de préserver, mais de transformer, pour offrir à la perle un avenir aussi lumineux que son passé.

https://d1928.com

@d1928_joaillerie

Antoine Pierini, l’alchimiste du verre

© Ilan Dehe

À Biot, au cœur d’un lieu chargé d’histoire, Antoine Pierini façonne le verre avec une écriture profondément contemporaine. Né à Antibes en 1980, il grandit dans un ancien moulin à huile du XVe siècle transformé par ses parents en atelier. Son père, Robert Pierini, maître verrier et figure du Studio Glass Movement français, lui transmet très tôt la rigueur du geste et la maîtrise du feu. Sa mère, Francine Begou-Pierini, naturaliste reconnue et conservatrice en région PACA, lui donne le goût du paysage, du vivant et de la préservation de l’environnement. Deux héritages, l’un technique, l’autre sensible, qui orientent dès l’enfance son rapport à la création.

Le verre entre dans sa vie comme une évidence. Enfant, il joue autour du four ; adolescent, il comprend que cette matière en fusion sera son langage. À 18 ans, il convainc son père de lui transmettre ce savoir-faire exigeant, malgré la discipline et la rigueur qu’impose un atelier de soufflage. Pendant près d’une décennie, il apprend les gestes fondamentaux, puis poursuit sa formation à l’étranger : États-Unis, Italie, Japon, Danemark, République tchèque. Ces voyages lui offrent une palette de techniques étendue et nourrissent une vision artistique ouverte, où le verre devient un véritable médium d’expression.

© Ilan Dehe

À 21 ans, il expose pour la première fois en Allemagne, un moment décisif qui l’ancre dans une trajectoire d’art contemporain. Depuis, son travail a été présenté dans plusieurs expositions muséales majeures. En 2015, il dévoile la série « Vestiges contemporains » à la médiathèque de Biot, avant de la présenter en 2016 au Musée d’Archéologie d’Antibes. En 2020, il est exposé au Musée d’Art Classique de Mougins, puis au GlasMuseum Lette, en Allemagne. En 2022, il investit la Villa Kérylos à Beaulieu-sur-Mer, déployant une lecture méditerranéenne des vestiges antiques à travers des formes de verre.

La Méditerranée reste son territoire intérieur. Elle concentre ce qui nourrit son imaginaire : le vivant, les roches, la lumière, l’archéologie, les mythes, les paysages qui oscillent entre calme et verticalité. Le verre lui permet de traduire ces éléments : matière chauffée à plus de mille degrés, tour à tour translucide, dense, minérale ou aqueuse selon les oxydes utilisés. Il cherche à figer une vibration, un éclair, un fragment de paysage. Certaines pièces nécessitent des mois de travail, mêlant verre soufflé, pierre, marbre, argenture ou textures élaborées dans son atelier.

© Ilan Dehe

Au printemps prochain, il partira en résidence en Italie pour un projet autour des volcans, une étude des interactions entre pigments, chaleur tellurique et verre en fusion. Durant l’été 2026, il participera à une exposition collective à 46 Gallery, à Saint-Paul-de-Vence, autour du thème de la Méditerranée. Ses œuvres peuvent être découvertes dans son atelier de Biot, sur rendez-vous. À Paris, dans le 7ᵉ arrondissement, La Secrète Galerie assure sa représentation et présente régulièrement son travail. À Monaco, une œuvre issue de sa série « Colonnes Roseaux » rejoindra prochainement l’espace urbain, intégrée au nouveau complexe Low One entre l’Hôtel Hermitage et la place du Casino.

À Biot, son atelier, labellisé Ateliers d’Art de France, demeure un lieu de création et de transmission. Pendant plus de quinze ans, il y a accueilli des artistes internationaux en résidence, contribuant à renouveler la scène du verre contemporain. Aujourd’hui, l’ancien moulin sert de laboratoire à ses prochaines expositions, tandis que son fils Raphaël, 22 ans, travaille désormais à ses côtés et développe ses propres pièces.

© Ilan Dehe

Pour Antoine Pierini, le verre est un paysage à part entière : un territoire où le souffle devient forme, où le feu devient couleur, où la lumière devient matière. Un espace où la Méditerranée trouve une voix nouvelle, fragile, incandescente, éternelle.

www.antoinepierini.fr/

@antoine.pierini

Photo de couverture © Ilan Dehe

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