Sur la Côte d’Azur, une nouvelle vague culinaire s’impose. Elles ne se réclament d’aucune école, d’aucune chapelle. Elles créent, inventent, nourrissent autrement. Qu’elles soient cheffes, vigneronnes, boulangères ou communicantes, ces femmes réenchantent la gastronomie azuréenne avec un même credo : le goût du vrai, du vivant et du sens. À travers elles, la Riviera dévoile un visage inédit : solaire, libre et profondément humain.
Clio Modaffari & Anne Legrand : Le Ponpon, cuisiner le vivant

Elles se sont rencontrées à Paris, dans les cuisines du Trianon Palace, avant de parcourir les plus belles maisons: Hélène Darroze, Christophe Pelé, William Ledeuil, David Toutain. Ensemble, elles ont remporté le prix Jeunes Talents Gault & Millau à La Belle Étoile à Niort, puis décroché une étoile au restaurant L’Innocence à Paris.
Depuis, Anne Legrand, la Lilloise, et Clio Modaffari, la Génoise, avancent main dans la main avec la même envie : cuisiner librement, sans artifice. Après avoir brillé à La Flibuste, sur le port de Marina Baie des Anges, où leur cuisine raffinée et inspirée avait conquis les gourmets, le duo a choisi de retrouver l’essentiel.
« On avait envie d’un lieu à taille humaine, d’une cuisine de marché, vivante, sans contrainte ni pression », confient-elles.
Elles décident alors de reprendre Le Ponpon, une adresse cannoise lovée dans une ruelle tranquille, à deux pas du marché Forville, loin des paillettes. Ici, vingt-six couverts, un comptoir, une cuisine ouverte, une énergie solaire. Anne est derrière les fourneaux ; Clio, en salle, compose les accords de vins nature et les sourires du service.
Chaque jour, elles partent au marché, choisissent leurs légumes cultivés à Tanneron, leurs fromages à Plan-de-Grasse, leurs poissons auprès d’artisans de la côte. Parmi leurs fidèles : le pêcheur Alain Graglia, et les maraîchers-apiculteurs Fred et Christelle.
La carte évolue au fil des saisons : agnolotti à la ricotta et citron, potimarron et poutargue de Martigues, ou encore épaule d’agneau confite au chou rouge, panisses croustillantes et jus parfumé à la harissa.
Côté dessert, le mariage du chocolat noir, des noix de pécan et de la confiture d’olives taggiasche venues de Ligurie rappelle que la Méditerranée est leur terrain de jeu. Pas de mise en scène, pas de discours : seulement le goût du vrai et la justesse du geste.
Sur la demande de leurs habitués, Anne et Clio proposeront bientôt un menu dégustation le samedi soir — une nouvelle étape dans l’évolution d’un restaurant pensé comme un lieu vivant, en mouvement, à l’image de celles qui le font.
Le Ponpon
Cuisine d’auteur, vins nature, convivialité solaire
4, rue Emile Négrin
Cannes
04 93 30 31 23
Domenika Zielinska : Le levain des femmes

À 4 h 30, Domenika Zielinska quitte son sommeil et à cinq heures, le four s’allume déjà dans son fournil du Vieux-Nice, où la lumière dorée se mêle à la farine en suspension. Avec son équipe, elle pétrit, façonne, enfourne : un ballet matinal où tout est affaire de rythme et d’écoute.
Originaire de Varsovie et historienne, Domenika a d’abord mené une carrière dans le marketing et l’édition avant de tout quitter pour suivre un appel intérieur. « J’ai commencé à faire du pain pour ma fille Lilas, le soir, dans ma cuisine. Puis j’ai découvert les blés anciens : leur goût, leur histoire, leur force. »
Formée auprès du célèbre paysan boulanger Roland Feuillas, elle collabore aujourd’hui avec des producteurs de blés en Provence, en Normandie et dans le Piémont pour cultiver des variétés paysannes comme la Petanielle noire de Nice, le blé historique du Comté de Nice, la Fleur de Berry, le kamut ou le petit épeautre, qui peut être consommé par les intolérants au gluten.
« Ces farines ont une âme : elles fermentent doucement, elles se digèrent mieux, elles durent plus longtemps. »
Chaque jour, Domenika et ses boulangères font tourner les fournées : le seigle du lundi, le kamut du week-end, le pain du mois — aux olives, aux noix ou aux figues à Noël. Tout est façonné à la main, dans une gestuelle lente et précise. « C’est un métier de patience et de contact. Le pain change chaque jour, comme nous. »
Lauréate de La Meilleure Boulangerie de France sur M6, avec son pain nissart à la farine de pois chiche noté 10/10, elle revendique la place des femmes dans un métier encore très masculin.
« Dans la tradition slave, nourrir, c’est sacré. » Inspirée par Déméter, déesse grecque de la fertilité qui illustre son logo, elle incarne cette force tranquille, entre rigueur artisanale et douceur intuitive.
Lilas, sa fille, vient prêter main-forte les week-ends ; le fournil est devenu un lieu de vie, de partage et d’humanité. Sur place, on peut y petit-déjeuner, y déjeuner (avocado toast, toast au saumon, roulé à la canelle, babka, cookie, latte, jus…)
Zielinska
Pains au levain d’exception, farines paysannes
6, rue Jules Gilly
Nice
07 66 46 74 96
Mélanie Tuz : L’art de la douceur

Du pinceau aux fouets, du studio d’artiste à la vitrine gourmande, Mélanie a trouvé sa voie : faire de la pâtisserie un art sensible.
Après quinze ans à Cannes, à peindre et exposer ses toiles inspirées du corps féminin, cette ancienne plasticienne formée à la Villa Arson à Nice décide de changer de matière. « J’avais besoin d’un métier à la fois artistique et concret, quelque chose qui relie le beau et le vivant. »
Elle passe son CAP Pâtisserie en 2016, travaille dans plusieurs maisons niçoises – du salon de thé L’Oiseau d’été à l’adresse locavore Le Lavomatique – avant d’ouvrir, en décembre 2020, Méla Pâtisserie Vivante, sur le port de Nice.
Un lieu à son image : chaleureux, poétique et profondément humain. « Au départ, c’était juste une boutique à emporter. Puis j’ai eu envie d’un vrai lieu de vie, avec du partage, du thé, des gâteaux faits maison. »
Chez Méla, tout est bio, local et de saison. Les fruits viennent du marché de la Libération ou de la Plaine du Var, les fleurs comestibles de la ferme de Marius Auda. Elle en crée aussi elle-même, à base d’hostie comestible, « pour être sûre que tout soit naturel et sans pesticide ».
Dans sa carte, des gâteaux du cœur : moelleux au chocolat ou au citron, cake pistache-fleur d’oranger, banana bread, clafoutis aux fruits du moment, cake citron-pavot ou marbré. Elle développe aussi une gamme sans gluten ni lactose, au lait végétal, « pour que tout le monde puisse retrouver le plaisir du dessert ».
Rien n’est congelé ni stocké : les gâteaux sont faits chaque matin, « pour garder le goût authentique de la pâtisserie familiale ». Pas de vitrine débordante, mais une sélection du jour, pensée comme une exposition éphémère.
« Ce que je veux, c’est que les gens me disent : ça me rappelle le gâteau de ma grand-mère. C’est le plus beau compliment. »
Au salon de thé, on s’installe pour un matcha latte, un chocolat chaud maison, une citronnade au citron de Nice ou un golden latte. Et entre deux bouchées, on comprend que chez Méla, la pâtisserie est un langage.
« Ce que je fais reste simple : des gâteaux de famille, mais avec des ingrédients vivants. C’est une cuisine du souvenir, une pâtisserie du cœur. »
Méla Pâtisserie Vivante
Gâteaux du cœur, 100 % vivants et poétiques
17 rue Bavastro
Nice
Julie Milici : La nature dans l’assiette

Née à Nice, Julie Milici a grandi entre les parfums d’Italie et la lumière du Sud. Après une formation littéraire – hypokhâgne, lettres modernes et philosophie – elle choisit de quitter les bancs de la fac pour suivre son instinct. Elle travaille dans plusieurs restaurants cosmopolites, du First Floor sur Portobello Road à Covent Garden à Londres, avant de partir aux Caraïbes pour la cuisine du Kontiki à Saint-Martin.
Son parcours atypique la mène sur les mers, dans le yachting de luxe, avant un retour à la terre : « J’ai eu besoin de revenir à l’essentiel et de me reconnecter à la nature. »
Aujourd’hui, elle incarne une cuisine éthique et vivante, mêlant Asie et Méditerranée, herbes sauvages et épices, imagination et conscience. « Je cuisine avec ce que la nature m’offre, sans gaspillage, avec respect. Ma cuisine est végétale, locavore et joyeuse. »
Julie s’investit aussi dans la transmission. Chef pour une cantine Montessori, elle développe L’École Comestible, un projet de cantines durables où les enfants cultivent leurs légumes et découvrent la chimie du goût. « On fait pousser des tomates, du basilic, des potirons, et on cuisine ensemble. Les petits apprennent que manger, c’est vivre. »
Membre du collectif Les Toques Brûlées, elle participe à des événements solidaires et festifs comme Chefs au Sommet à Auron ou Dinner in the Sky. « On est une tribu de chefs qui sort des codes. On aime créer, surprendre, transmettre. »
Chez elle, la cuisine est un acte d’amour. « Nourrir, c’est me nourrir moi-même. C’est une forme de méditation en mouvement. »
Julie Milici
Chef privée sur la côte d’azur, cantine Montessori & événements éthiques
Carine Dalmasso : vigneronne de cœur et de terre

À Bellet, sur les hauteurs de Nice, entre mer et montagne, Carine Dalmasso, mère de deux enfants, veille sur sept hectares de vignes baignées de lumière. Héritière et vigneronne, elle poursuit l’histoire familiale avec cœur, exigence et instinct.
Tout a commencé avec ses grands-parents, horticulteurs niçois qui faisaient pousser des œillets et des gueules-de-loup, avant que la concurrence du marché hollandais n’éteigne cette tradition florale. Ses parents ont alors planté leurs premiers pieds de vigne dans les années 1980, presque par nécessité et par amour de leur terre. En 1991, les serres disparaissent pour laisser entièrement place au vignoble.
« Je travaillais dans le commerce, chez Leroy Merlin », confie-t-elle. « Mais chaque année, je revenais pour les vendanges, incapable de m’en détacher. Un jour, j’ai compris que ma place était ici. Ce métier, tu ne le choisis pas, il t’appelle. » Intégrée au domaine à vingt-six ans, à l’occasion de l’achat d’une nouvelle parcelle qui permettait d’agrandir l’exploitation, elle travaille aujourd’hui avec son frère Éric, tandis que son père veille toujours sur les vignes. Ensemble, ils produisent entre 15 000 et 20 000 bouteilles par an, en culture biologique.
Leur terroir, baigné d’iode et de lumière, donne naissance à des vins d’une fraîcheur singulière : des rouges de Folle Noire, cépage unique à Bellet ; des rosés et rouges de Braquet, hérités de l’époque romaine ; et des blancs de Rolle, aux accents d’agrumes et de fleurs blanches.
La particularité du Bellet, c’est sa rareté : seulement dix vignerons pour cinquante hectares au total, un vignoble urbain unique au monde.
Mais derrière la beauté du paysage se cache une réalité exigeante : « Il suffit d’un orage ou d’une grêle pour perdre toute une récolte. Rien n’est jamais acquis. »
Fière de voir ses vins servis sur de grandes tables comme La Chèvre d’Or à Èze, Acchiardo à Nice ou l’Hôtel de Paris à Monaco, Carine prend plaisir à accueillir les visiteurs au domaine, entre vignes et mer, pour partager son histoire et sa passion du vin avec des amateurs venus des États-Unis, du Japon, du Danemark, d’Afrique du Sud ou de Nouvelle-Zélande.
Domaine de la Source
Vins bio, vivants et enracinés
303, chemin de Saquier
Nice
06 17 77 87 98
Masha Hédo : L’énergie de relier

Elle ne tient pas de marmite, mais elle fait bouger les univers.
Entre gastronomie, digital et événementiel, Masha Hédo tisse des liens entre les chefs et leurs clients, entre la table et le monde. Fondatrice de SeoResto, une agence de marketing culinaire dédiée à la visibilité des restaurateurs, elle conçoit des stratégies sur mesure et aide les établissements à raconter leur histoire.
« Mon rôle, c’est de faire venir les gens au restaurant », sourit-elle.
Avec Cindy Kawak, elle a créé le SummEAT Fest, un festival professionnel et convivial qui réunit chaque année à Nice les acteurs français de la restauration et de l’hôtellerie. Après une première édition réussie en 2024, l’événement revient le 23 novembre 2025 au Château de Crémat, autour d’un thème central : l’avenir du secteur.
Chefs, hôteliers et experts y échangeront lors de 12 conférences et ateliers, parmi lesquels Virginie Basselot, cheffe du Negresco, Philippe Cannatella du groupe Gusto Family, Fred Ghintran, représentant des restaurateurs de la Côte d’Azur, Franck Thomas, meilleur sommelier d’Europe, ou Axek Hutin (Greenbul Média). « L’idée, c’est d’inspirer, de connecter et de donner des outils concrets à ceux qui font la gastronomie d’aujourd’hui. »
Née à Saint-Pétersbourg, Masha a grandi dans une culture où la table est synonyme de chaleur et de partage. Après un master à Avignon puis un doctorat à Nice, elle fonde dans sa ville natale sa propre chaîne de restauration “Greenbox”, avec plus de vingt points de vente et un centre de production.
Visionnaire, elle développe une application pour suivre les préférences de ses clients. Elle revend son entreprise en 2019, juste avant la guerre, et décide alors de se consacrer pleinement à sa passion : le marketing culinaire.
« J’ai toujours voulu allier la créativité, la technologie et le goût. »
Installée aujourd’hui sur la Côte d’Azur, cette globe-trotteuse, qui a visité plus de soixante pays, collabore avec une cinquantaine d’adresses de la Riviera, dont Les Agitateurs, Yose, Foca, ou La Cantine de Mémé.
« La nourriture, c’est la vie, la santé et le lien. Elle raconte qui nous sommes. »
Masha Hedo
Énergie, réseau et créativité gourmande
SummEAT Fest, le 23 novembre 2025 au Château de Crémat à Nice







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